Reprise des cours : Entre ferveur et frayeur
Dans son adresse à la nation du 11 Mai 2020, le Président Macky SALL a réitéré la décision de l’Etat de rouvrir les écoles pour accueillir les élèves des classes d’examen aux niveaux primaire, moyen et secondaire, pour les préparer à l’entrée en sixième et au CEFE, au BFEM et au BAC.
Cette décision s’est traduite par un branle-bas noté au niveau du MEN, des IA, des IEF et même des collectivités locales pour préparer cette deuxième rentrée des classes.
C’est ainsi qu’au niveau de ces structures les responsables s’activent frénétiquement pour organiser le transport des enseignants, la désinfection des établissements, la dotation en masques et autres produits de lavages des mains, la disposition des élèves dans les classes etc.
La ferveur enthousiaste qui anime les responsables de l’éducation n’emporte pas l’assentiment des parents d’élèves, des enseignants et des élèves qui manifestent une certaine frayeur légitime quant à une reprise des cours dans un contexte d’augmentation inquiétante des cas de contamination.
Déjà, une étude de l’économiste Moubarack LO faite dans la région de Diourbel, a montré que 60% des parents sont réfractaires à une reprise des cours.
Certains syndicats comme le SAEMS et le CUSEMS demandent des garanties et requièrent l’avis des techniciens de la santé comme des préalables pour regagner les classes.
Les élèves, quant à eux refusent catégoriquement d’être les chairs à canon et de constituer des boucliers d’une quelconque immunité collective qui protégerait le reste de la population.
La déclaration du Ministre de l’Education nationale selon laquelle les enseignants qui présentent des pathologies chroniques comme le diabète, l’asthme, la drépanocytose etc sont dispensés de reprendre leurs enseignements sonne comme un aveu quant à la probabilité très élevée de choper le virus dans le milieu scolaire.
Les mesures barrières édictées seront difficilement respectées compte tenu de la psychologie de l’adolescent et de l’enfant qui dans l’insouciance la plus innocente, auront tendance à se regrouper, à jouer entre eux, à échanger de matériel scolaire.
Les conditions de travail et d’étude caractérisées par l’absence ou les coupures d’eau, l’insalubrité des toilettes s’il en existe, l’exigüité des locaux dont certains sont encore des abris provisoires, les échanges d’outils de gestion administrative, pédagogique, financière et matérielle sont autant de vecteurs de propagation du virus.
Même si les élèves sous surveillance stricte dans les établissements adoptent les bons comportements, il n’en sera pas de même chez eux et dans la rue. Ainsi dès que quelqu’un est infecté, ce sera la débandade avec une cascade de contaminations et un virus qui va circuler de la maison à l’école et vice-versa.
On sera obligé de refermer les établissements comme au Japon, mais le mal serait déjà fait avec une explosion des cas communautaires qui amèneront les autorités sanitaires débordées à ne prendre en charge que les cas symptomatiques car n’ayant plus la possibilité de suivre les contacts et de les mettre en quarantaine, (et d’ailleurs ça a commencé).
Il s’en suivra des décès par dizaines voire par centaines particulièrement dans les populations à risque.
De mon point de vu, l’Etat qui a su bénéficier des leçons apprises devrait observer encore les pays qui ont amorcé un déconfinement en Europe pour voir le comportement du virus avant de programmer la réouverture des classes.
C’est pourquoi je propose de reporter cette année à l’année prochaine, de travailler en Octobre, Novembre et Décembre et de faire les examens au mois de janvier 2021.
La reprise sera programmée pour Février 2021, les programmes seront réaménagés avec un seul semestre au moyen secondaire, deux trimestres à l’élémentaire et des examens au mois d’août 2021.
Ainsi cette année ci sera récupérée et l’année 2021-2022 sera une année normale avec le vœu qu’une thérapie efficace serait disponible de même qu’un vaccin.
Séduites par la théorie de l’immunité collective, nos autorités se précipitent à vouloir sauver une année, en jetant en pâture les élèves, le personnel enseignant et administratif à un pernicieux virus alors la préservation de la vie devrait être l’objectif prioritaire.
Car perdre une année, ce n’est pas perdre la vie, mais perdre la vie c’est perdre toutes les années.
Dakar, le 18 05 2020
Saliou THIAM
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