El Hadji Abdoulaye Niass, père et professeur de Cheikhal Islam Cheikh Ibrahima Niass, est né à Beli (Djolof Sénégal) vers 1844 et mémorisa le saint Coran à bas âge sous la tutelle de son père Mouhamed Niass, un grand érudit qui, en 1865 émigra dans le Rip pour fonder le village de Niassène et participer activement au Jihâd contre la colonisation et le paganisme avec Mabâ Diakhou BA.
Abdoulaye fondera plus tard le village de Taïba pour s’y dédier à l’enseignement de la religion musulmane et la formation spirituelle puisqu’il fut élevé au grade d’initiateur soufi de la Tarîqa Ahmadiyya Muhammadiyya Ibrahimiyya Hanifiyya (célèbre sous l’appellation tidjaniyya) par le maître émérite Cheikh Boubacar Diallo qui était un disciple de Cheikh Omar Tall, ce vicaire de Cheikh Ahmad Tidjane (Ra).
Fils unique de son père, Abdoulaye Niass prit très tôt la relève en tant que professeur hors pair, un grand cultivateur mais aussi un éminent résistant culturel puisqu’il s’alliera au jihadiste Saer Maty Ba fils et successeur de Mabâ.
En 1890, Abdoulaye Niass effectua son premier pélerinage à la Mecque, en passant par Fez puis par Alexandrie. Ce voyage aux lieux saints a porté beaucoup de fruits en ce sens qu’il en profita pour renforcer ses relations avec la zâwiya mère de Fez et ses dirigeants tels que Cheikh Ahmed Soukeyrij; tous lui reconnaîtront la trés grande érudition. C’est aussi lors de ce voyage qu’il put faire des confrontations en matière de la loi sacré (sharia); ce qui lui permi de savoir avec preuves légales que l’arachide (“aareen” en wolof) ne pouvait faire objet d’application de la zakât (aumône légale); bien que son ami et frère spirituel Cheikh Seydil Hadji Malick Sy continuera à appliquer la zakât de l’arachide, dit-il, par “pure mesure de prudence” (“ihtiyât” cf kifâyatu râghibîna ). Mais force est de reconnaître que ces quelques différences d’opinions, ne changeaient en rien leur amour, leur confiance réciproque et leur fraternité. D’ailleurs, l’école de El Hadji Abdoulaye, contrairement à l’école de Tivaouane n’admettait pas la wazifa pour un mort ou la double wazifa journalière.
A son retour de pèlerinage en 1901 le Chef de Canton et l’administration coloniale l’accusèrent à tort d’instiguer des troubles à leur encontre et voulurent mettre fin au rayonnement de son école. C’est ainsi qu’il détruisirent son village Taïba et mirent feu à sa mosquée et sa bibliothèque. Le Cheikh dût se réfugier en Gambie pour préserver sa religion, son école et continuer son œuvre d’artisan spirituel des cœurs.
El hadji Abdoulaye n’a pas été docile face à la colonisation culturelle. D’ailleurs c’est le seul de sa génération de prédicateurs à ne pas répondre à l’effort de guerre qu’imposa la France aux chefs religieux qui disposaient d’un grand nombre de disciples comme lui. A cette occasion son frère Cheikh Ahmad Bamba avait envoyé à la guerre des centaines de disciples dont un fils de Cheikh Ibra Fall; de même, El Hadji Malick fera de même jusqu’à envoyer son propre fils aîné Cheikh Ahmed SY.
D’autre part, très jaloux pour sa religion, El Hadji Abdoulaye rejeta fermement la proposition des blancs qui voudraient emmener ses fils à l’école française. Il leur fit comprendre qu’en tant que serviteur de l’Islam, il préfère inculquer les valeurs de cette religion à sa progéniture, leurs enseigner toute la science islamique requise afin qu’ils puissent continuer son œuvre. Pourtant il n’était pas contre l’apprentissage d’une langue étrangère car plus tard il voulut à un moment envoyer son fils apprendre le français et celui-ci lui dit que son emploi du temps ne le lui permettait plus ; ce qu’il reconnu en bon pédagogue (cf interview de Imam hassan Cissé par la télévison Gambienne).
C’est l’occasion, encore une fois de démontrer l’amitié et la non bi-polarité entre lui et le Cheikh Seydil Hadji Malick. En effet c’est ce dernier qui aura fait une intervention de taille auprès de l’administration coloniale pour qu’elle autorisât El Hadji Abdoulaye à revenir s’installer à son pays natal. C’était en 1910 quand El Hadji Abdoulaye revint s’installer définitivement au quartier Léona à Kaolack, y construisit une zâwiya et connut aussitôt un regain de rayonnement de son école qui dépassa les frontières du Sénégal pour s’étaler jusqu’au soudan sans oublier la Gambie, le Niger pour ne citer que ceux-là. Son ami El Hadji Malick faut-il le reconnaître, en dehors de son érudition reconnue, sa bonté et son honneteté intellectuelle, était doué d’une diplomatie singulière face aux colons; ce qui lui permit de mener à bien ses activités islamiques au milieu des bastions des colonisateurs et leurs complices, les missionnaires.
En 1912, El Hadji Abdoulaye effectua une seconde visite pieuse (ziyara) à Fez et reçut des mains bénies du khalif de l’époque Cheikh Soukeyrij, la consécration suprême de la voie, la Idjâza Itlâlâq. En plus, Soukeyrij fit de lui Grand commandeur de la tarîqa (Khalife). Cette idjâza Itlâq venait vraiment à son temps puisque El Hadji Abdoulaye, comme El Hadji Malick Sy, était limité en terme de nommer des muqaddam (initiateurs) ; tels étaient les diplômes d’initiateurs qu’ils reçurent tous deux de la chaine initiatique (silsila) leur venant de Cheikh Omar Tall bien que celui-ci aura obtenu une autre Idjâza illimitée de la part de Cheikh Mouhammadoul GhâlÎ, à Médine.
C’est aussi l’occasion de signaler que Cheikh Ahmed Soukeyrij donna à El Hadji Abdoulaye l’Idjâza de El Hadji Malick Sy. De son retour, comme d’habitude, El Hadji Abdoulaye passa par Tivaouane chez El Hadji Malick Sy Maodo et lui remit le diplôme. Cette histoire est l’objet de beaucoup de tentatives de falsification de la part de gens mal-intentionés, motivés par l’envie. Pourtant, dans la version originale du célèbre livre de El Hadji Malick intitulé “ifhâm al munkir al-jânî” (réduction au silence du détracteur) l’auteur a écrits des vers faisant allusion à ces circonstances et nommant explicitement son ami Abdoulaye.
D’ailleurs Cheikh Ibrahiam Niass a réaffirmé cette histoire devant notre bien-aimé khalife El Hadji abdou Aziz Sy Dabâgh et nombre dignitaires de la Voie. Nous disons ceci pour conserver la vérité et être honnètes vis à vis de l’histoire. Nous n’entendons nullement réclamer une prééminence de notre maitre El Hadji abdoulaye ou comparer deux saints serviteurs de Cheikh Ahmad Tidjane qui se voyaient comme un seul individu. On rapporte que lorsque El Hadji Abdoulaye passait à Tivaouane, El Hadji Malick, lui faisait l’honneur de diriger les prières, la wazîfa et l’enseignement durant tout son séjour : quelle belle fraternité et quelle bonne opinion (préjugé favorable) sur un frère musulman! À bas la concurrence!
C’est ainsi que El Hadji Abdoulaye Niass traitait avec tous ses pairs comme c’est l’exemple de El Hadji Ahmad Ndiéguène de Thiès, Serigne Diaamal, pour ne citer que ceux là.
Mais la grandeur de Maam Alaaji (comme le nomme affectuement sa communauté) se voit véritablement à travers ceux qu’il a formé en science et en spiritualité; en particulier ses propres enfants qui sont des étoiles de la religion et de la tariqa. C’est le cas de l’avocat défenseur de la Tariqa le Khalife El Hadji Mouhammad Aminta Niass, le qâmûs (ou dictionnaire), l’homme de lettre Cheikh Mouhamad Zaynabou Niass,le hakîm et philosophe Baye Mbaye Niass, l’Imam El Hadji Babacar et j’en passe. Sans oublier bien sûr le porte étendard de la Fayda de Cheikh Ahmad Tidjane dont le rayonnement à la lumière éblouissante éclipse plus souvent ce soleil de l’Islam qu’est son père El Hadji Abdoulaye envers qui nous avons à jamais un devoir de mémoire et de reconnaissance.